jeudi 31 décembre 2015

Maus, Art SPIEGELMAN




Quatrième de couverture :

Récompensé par le prix Plitzer, Maus nous conte l’histoire de Vladek Spigelman, rescapé de l’Europe d’Hitler, et de son fils, un dessinateur de bandes dessinées confronté au récit de son père. Au témoignage bouleversant de Vladek se mêle un portrait de la relation tendue que l’auteur entretient avec son champignon vieillissant.

296 pages, Éditions Flammarion, janvier 2012



Ce que j’ai pensé de cette lecture :

Art Spiegelman, un auteur de bande dessinée, demande à son père, Vladek, de lui raconter sa vie afin qu’il puisse s’en inspirer pour créer une nouvelle œuvre. En effet, ce dernier vit désormais en Amérique, mais pendant la Seconde Guerre mondiale, il était en Europe et a connu toutes les atrocités qui ont été commises à l’encontre des juifs. Se cacher pour survivre, lutter, se retrouver dans un camp de concentration (celui d’Auschwitz), trouver des subterfuges pour ne pas finir dans les tristement célèbres douches d’où coulait du Zyklon B provoquant la mort par asphyxie de milliers de juifs, tomber malade, voir ses amis et les membres de sa famille périr les uns après les autres… Dans cette bande dessinée originale pour laquelle Art Spiegelman a recours à la technique du zoomorphisme, il nous propose de [re]découvrir les horreurs perpétrées pendant la Shoah.

Tout d’abord, il faut souligner la force de cette œuvre, qui prend le lecteur aux tripes. Sans doute est-ce, entre autres, parce que l’auteur s’y met en scène, ainsi que ses proches, ce qui ajoute de la véracité au récit. On sait bien évidemment que tout cela à exister, mais il est ici question de personnes réelles – bien que représentées sous des traits d’animaux. Nous sommes bouche bée face à l’horreur, on se demande comment ils ont pu survivre dans de telles conditions, et on ne peut qu’admirer la force de Vladek de ne pas avoir baissé les bras, notamment après avoir perdu ses parents et son premier enfant. Mais son espoir résidait dans le fait de protéger son épouse, qu’ils reviennent tous deux vivants de la guerre… Mais en réchappe-t-on réellement ? La question de la survie se pose ici : que reste-t-il de ceux qui ont miraculeusement réussi à sortir des camps de la mort ? Et comment trouve-t-on sa place dans le monde actuel en tant que fils de déportés ?

La narration se déroule tantôt dans les années marquées par la guerre, tantôt à une époque plus contemporaine. En effet, Art met en scène ses discussions avec son père, et l’on découvre l’homme qu’il est devenu, et son comportement parfois très étonnant. Cette alternance de points de vue apporte un certain souffle au récit, car elle nous permet de sourire des réactions d’un Vladek vieillissant, dont la radinerie et le mauvais caractère semblent sans limites. 

Le choix du zoomorphisme n’est pas anodin. Les juifs sont des souris, les Allemands des rats, les Polonais des cochons, les Américains des chiens, les Français des grenouilles… D’après ce que j’ai trouvé sur le site Internet Wikipedia, ceci aurait été fait « en référence aux images de propagande nazies et au documentaire antisémite Le Juif éternel », qui fut supervisé par Joseph Goebbels.

Maus est une œuvre magistrale, une bande dessinée de grande qualité au service de la mémoire, de la vie des juifs avant les camps, de cette à Auschwitz, et de l’après-guerre pour ceux qui ont réussi à en revenir. Très dur de par le sujet dont il traite, c’est un livre qu’il faut avoir lu !



dimanche 27 décembre 2015

Revival, Stephen KING




Quatrième de couverture : 

Il a suffi de quelques jours au charismatique révérend Charles Jacobs pour ensorceler les habitants de Harlow dans le Maine. Et plus que tout autre, le petit Jamie. Car l’homme et l’enfant ont une passion commune : l’électricité.
Trente ans plus tard, Jamie, guitariste de rock rongé par l’alcool et la drogue, est devenu une épave. Jusqu’à ce qu’il croise à nouveau le chemin de Jacobs et découvre que le mot « Revival » a plus d’un sens... Et qu’il y a bien des façons de renaître !
Addiction, fanatisme, religion, expérimentations scientifiques… un roman électrique sur ce qui se cache de l’autre côté du miroir. Hommage à Edgar Allan Poe, Nathaniel Hawthorne et Lovecraft, un King d’anthologie.

439 pages, Éditions Albin Michel, octobre 2015



Ce que j’ai pensé de cette lecture :

Né dans une famille de cinq enfants, Jamie Morton a grandi en suivant les préceptes d’une éducation protestante, et il a développé une certaine amitié avec Charles Jacobs, le révérend de leur ville. Celui-ci a le don d’intéresser ceux qui participent aux activités de l’Union des Jeunesses méthodistes. Il abordera avec Jamie un sujet qui le passionne tout particulièrement : l’électricité. Le révérend Jacobs est aimé de tous jusqu’au jour du Terrible Sermon, où il tiendra des propos inadmissibles pour un homme d’Église. Suite à cela, il sera plus ou moins contraint de quitter la ville. Trente ans plus tard, alors qu’il est en proie à des démons tels que la drogue et l’alcool, Jamie aura la surprise de croiser le chemin de Charles Jacobs, qui pourrait bien le sortir du mauvais pas dans lequel il est, mais d’une façon assez peu conventionnelle… 

Jamie est le narrateur de Revival, et nous allons suivre son histoire, depuis son enfance jusqu’à ce qu’il ait la soixantaine révolue. Il s’adresse directement à nous, et met en place un pacte de lecture, nous contant sa vie en nous invitant à croire à la véracité de ses dires, même si ceux-ci peuvent paraître comme étant l’œuvre d’un fou. Le récit se déroule en deux temps : le premier tiers du roman est consacré à la jeunesse de Jamie, et le reste de l’ouvrage nous propose de découvrir ce qu’est devenu Charles Jacob – qui changera plusieurs fois d’identité —, et quel est le réel but de ses recherches et expériences. 

J’ai adoré l’ambiance de ce livre. Nous parcourons l’Amérique des années soixante à nos jours, Stephen King nous emmène dans différents coins des États-Unis, en passant par le Maine et New York. Il brosse une galerie de personnages qui ne peuvent laisser le lecteur indifférent. D’ailleurs, certains protagonistes sont tantôt très touchants et on éprouve beaucoup de compassions pour eux, tantôt ils font froid dans le dos et deviennent carrément inquiétants – je pense en particulier à Charles Jacobs. 

Pas de réels temps morts, mais un récit très travaillé, qui s’installe au fur et à mesure, avec un sentiment d’angoisse qui naît peu à peu pour atteindre son paroxysme dans les dernières pages. Je n’ai pas lu beaucoup d’écrits du maître de l’horreur et du fantastique, mais celui-ci est mon préféré. Il y a beaucoup d’intertextualité dans cet ouvrage : il fait exemple référence à Frankenstein de Mary Sheley, ou au Necrominion de H.P. Lovecraft, sans oublier E.A. Poe. Mais il fait tisse également des liens avec ses œuvres, et plus particulièrement avec Joyland. Dans Revival, il aborde des thèmes comme la religion, dont il remet en question les préceptes, mais aussi la part de tromperie dans les expériences scientifiques. J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre, qui a su me captiver de la première à la dernière page, avec un final à la hauteur de mes espérances. 

Revival fut une lecture commune avec Guillaume, et je vous invite à aller découvrir son avis.


mardi 22 décembre 2015

La Nuit de feu, Éric-Emmanuel SCHMITT




Quatrième de couverture :

À vingt-huit ans, Éric-Emmanuel Schmitt entreprend une randonnée dans le grand sud algérien. Au cours de l’expédition, il perd de vue ses compagnons et s’égare dans l’immensité du Hoggar. Sans eau ni vivres durant dans la nuit glaciale du désert, il n’éprouve nulle peur mais sent au contraire se soulever en lui une force brûlante. Poussière d’étoiles dans l’infini, le philosophe rationaliste voit s’ébranler toutes ses certitudes. Un sentiment de paix, de bonheur, d’éternité l’envahit. Ce feu, pourquoi ne pas le nommer Dieu ?
Cette nuit de feu – ainsi que Pascal nommait sa nuit mystique –, Éric-Emmanuel Schmitt la raconte pour la première fois, dévoilant au fil d’un fascinant voyage intérieur son intimité spirituelle et l’expérience miraculeuse qui a transformé sa vie d’homme et d’écrivain. Les chemins qu’il trace ici sont inscrits en chacun de nous.

192 pages, Éditions Albin Michel, septembre 2015



Ce que j’ai pensé de cette lecture :

Dans cet ouvrage, ce n’est pas Éric-Emmanuel Schmitt le romancier que l’on découvre, mais bien l’homme, puisque La Nuit de feu est un livre autobiographique. À l’âge de vingt-huit ans, Éric-Emmanuel Schmitt partit une semaine dans le désert algérien, en repérage dans le but d’écrire le scénario d’un documentaire. Il est accompagné d’un ami, et tous deux font partie d’un groupe de dix voyageurs, guidés par un Touareg. Mais un jour, emporté par l’allégresse de ce séjour dans l’Hoggar, il va s’éloigner quelque peu des autres pour se retrouver finalement perdu dans la montagne, sans nourriture et avec sa gourde d’eau quasiment vide… 

Très poétique et magnifiquement bien écrit, on a l’impression d’accompagner le narrateur dans son voyage tant la description des paysages semble juste. Mais plus que l’environnement, c’est avant tout l’aventure humaine et l’expérience mystique qui priment dans ce récit. En effet, notre auteur va s’étonner de la facilité avec laquelle il échange avec le Touareg qui leur sert de guide. Ils ne parlent pas la même langue, mais parviennent cependant à se comprendre, bien que l’on se doute qu’une part de leur conversation est quelque peu fabulée par leur imagination. De plus, son enthousiasme est communicatif, et il décrit si bien les relations humaines qui s’instaurent et les discussions entre les voyageurs que nous avons l’impression d’être un membre de leur groupe.

J’ai trouvé son expérience de foi dans le désert très intéressante, mais également quelque peu angoissante. Par exemple lorsqu’il nous dit que notre vie ne représente que quelques secondes entre deux néants… Ce sont là des sujets qui me mettent un peu mal à l’aise, et ses propres questionnements sur notre condition poussent le lecteur à s’interroger lui aussi. C’est ici le point central de La Nuit de feu et, de par ses réflexions, on s’aperçoit qu’Éric-Emmanuel Schmitt est un philosophe. Il ressortira de cette expérience réellement changé, tel un autre homme, avec une façon d’appréhender la vie – et la mort — tout autre. Point de récit romanesque, nous sommes bien en présence d’une tranche de vie qui a beaucoup comptée dans la l’existence de cet écrivain et qui a sans doute grandement contribué à faire de lui celui qu’il est devenu aujourd’hui.

Un passage de l’épilogue fait tristement écho à notre actualité, et je citerai donc une phrase qui en est tirée pour conclure cette chronique : « En notre siècle où, comme jadis, on tue au nom de Dieu, il impose de ne pas amalgamer les croyants et les imposteurs : les amis de Dieu restent ceux qui Le cherchent, pas ceux qui parlent à Sa place en prétendant L’avoir trouvé. »



samedi 19 décembre 2015

Nous les Menteurs, Emily LOCKHART




Quatrième de couverture :

Une famille belle et distinguée.
L’été. Une île privée.
Le grand amour. Une ado brisée.
Quatre adolescents à l’amitié indéfectible, les Menteurs.
Un accident. Un secret. La vérité.

288 pages, Éditions Gallimard Jeunesse, mai 2015



Ce que j’ai pensé de cette lecture : 

Les Sinclair sont une riche et puissante famille. Ils sont beaux, intelligents, et dans cette famille, il n’y a pas de ratés et personne n’a tort. Harris Sinclair, le grand-père, est le propriétaire d’une île privée sur laquelle il a fait construire une demeure pour lui même, mais aussi une pour chacune de ses filles. Tous les étés, trois générations se retrouvent à Beechwood pour partager des vacances inoubliables. Cadence, l’aînée des petits enfants Sinclair, forme le groupe des Menteurs avec Mirren, Johnny et Gat. Mais l’été de ses quinze ans, elle a un grave accident qui lui laisse des séquelles importantes : des migraines extrêmement violentes ainsi que de sérieux problèmes d’amnésie. À dix-sept ans, toujours convalescente, elle retourne sur l’île en compagnie se sa mère, qui se fait beaucoup de souci pour sa santé. Cadence parviendra-t-elle à savoir ce qui lui est arrivé ? Et pourquoi tout le monde s’est-il donné le mot pour ne rien lui révéler à ce sujet ?

Le récit nous est relaté du point de vue de Cadence. Après nous avoir présenté cette famille idéale (du moins en apparences), à l’abri du besoin et dans laquelle les liens semblent très forts, nous faire plus ample connaissance avec les Menteurs. Mirren (sa cousine) est plutôt sagesse et prudence, Johnny (son cousin) plus intrépide et casse-cou, et Gat, le cousin par alliance de Johnny… Gat est celui qui fait battre la chamade au cœur de notre narratrice. Elle en est clairement amoureuse, et elle ne comprend pas les raisons son silence depuis son accident. D’ailleurs, elle ignore pourquoi aucun des Menteurs n’a répondu à ses emails ou textos. Ces quatre compères ont un petit côté Trois Mousquetaires et leur complicité est belle à voir. 

Le lecteur est comme Cadence et découvre des indices ici et là qui pourraient laisser présager du drame qui s’est joué sur cette île deux ans plus tôt. Les éléments nous sont dévoilés au compte-gouttes, ce qui ne fait qu’attiser notre curiosité et nous permet d’échafauder mille et une hypothèses. Mais croyez-moi, rares seront ceux qui auront deviné le fin mot de l’histoire avant que tout ne soit clairement explicité. Et pour ma part, j’ai été totalement bluffé ! Emily Lockhart nous offre ici un excellent livre, au style très rythmé, notamment grâce aux courts chapitres.

Outre les raisons qui expliquent l’accident et la perte de mémoire de Cadence, Nous les Menteurs soulèvent des questionnements intéressants : la famille parfaite existe-t-elle ? Le fait de pouvoir tout avoir et d’être à l’abri du besoin est-il nécessairement une bonne chose ? Est-il préférable de cacher certains éléments à une personne en souffrance, ou au contraire vaut-il mieux tout lui dire, quitte à la blesser davantage ?



mardi 15 décembre 2015

Treize Raisons, Jay ASHER




Quatrième de couverture : 

Clay reçoit treize cassettes enregistrées par Hannah Baker avant qu’elle ne se suicide. Elle y parle de treize personnes qui sont impliquées dans sa vie : amies ou ennemies, chacune de ces personnes a compté dans sa décision. D’abord choqué, Clay écoute les cassettes en cheminant dans la ville. Puis, il se laisse porter par la voix d’Hannah. Hannah en colère, Hannah heureuse, Hannah blessée et peut-être amoureuse de lui. C’est une jeune fille plus vivante que jamais que découvre Clay. Une fille qui lui dit à l’oreille que la vie est dans les détails. Une phrase, un sourire, une méchanceté ou un baiser et tout peut basculer…

288 pages, Éditions Albin Michel, Collection « Wiz », mars 2010



Ce que j’ai pensé de cette lecture : 

Alors qu’elle était encore lycéenne, Hannah a fait le choix de mettre fin à ses jours. Pourquoi ? C’est ce qu’elle va expliquer à travers treize cassettes audio qu’elle décide d’envoyer à treize personnes de son établissement scolaire qui ont, chacune à leur façon, participer à sa mort. Au moment où débute notre lecture, c’est autour de Clay, le narrateur, de découvrir la part de responsabilité des treize individus dans le décès d’Hannah, cette jeune fille mystérieuse dont il était secrètement épris. Mais il sait aussi qu’une des cassettes reçues s’adresse à lui. Qu’a-t-il bien pu faire – ou ne pas faire – pour l’encourager dans sa volonté d’en finir ?

Treize Raisons. Voici un livre qui avait pour thème un sujet gravissime, qui promettait d’être traité de façon originale, car une personne qui s’est suicidée s’exprime à l’attention de ceux qu’elle tient pour responsables afin de leur faire prendre conscience de sa souffrance et de son mal-être. De plus, le parti pris narratif était vraiment intéressant puisque nous sommes en présence de Clay, qui écoute lesdites cassettes et les commente, et nous assistons ainsi aux répercussions directes de ce témoignage sur ce jeune homme : comment supporte-t-il d’apprendre que certains individus qu’il côtoie au lycée sont de véritables ordures ? On ressent aussi qu’il s’en veut énormément de ne pas être intervenu, de n’avoir rien fait pour empêcher que ce qui aurait peut-être pu être évité…

Oui, mais voilà, j’ai eu une grosse déconvenue avec Treize Raisons, qui a clairement gâché ma lecture : les personnages. Je ne me suis absolument pas attachée à eux. Pire, ils m’énervaient, et le résultat ne s’est pas fait attendre : je m’intéressais de moins en moins à ce qui a poussé Hannah au suicide au fur et à mesure que j’avançais dans ce livre. En effet, Hannah est, à mon sens, réellement antipathique. Elle est très agressive dans ses propos, et j’ai eu l’impression d’une vengeance presque mesquine, car elle ne laisse finalement à la personne qu’elle accuse aucune chance de se défendre. Quant à Clay, il m’a lui aussi agacée, à manquer clairement de recul et de sang-froid. Qu’il entende une anecdote plus ou moins anodine ou un fait réellement grave, il réagit exactement de la même façon, et il dramatise tout. Alors oui, bien sûr, ce n’est pas une situation facile, mais entre un viol et une photo volée, il y a un monde, non ? Tout cela manquait un peu de crédibilité à mon goût.

En bref, moi qui pensais lire un ouvrage émouvant sur un sujet très important, c’est une expérience ratée. Je suis passée à côté de ma lecture, et je ne suis pas réellement parvenue à rentrer dans le roman, excepté pour les cinquante dernières pages qui ont davantage capté mon attention. 


vendredi 11 décembre 2015

Seuls - Intégrale Cycle 1, Bruno GAZZOTTI & Fabien VEHLMANN




Quatrième de couverture :

Face aux terribles dangers d’une ville dont les habitants ont mystérieusement disparu, cinq enfants vont s’unir et apprendre à se débrouiller... SEULS.

264 pages, Éditions Dupuis, novembre 2010



Ce que j’ai pensé de cette lecture :

Un matin, cinq enfants se réveillent seuls à Forville : il n’y a plus de parents, leurs amis ont disparu, les voisins et commerçants également. En bref, il n’y a plus qu’eux — du moins, c’est ce qu’ils en déduisent après avoir exploré les alentours. Comme l’union fait la force, Leïla, Terry, Camille, Dodji et Yvan décident de rester ensemble et de tenter de survivre dans ce monde qu’ils ne reconnaissent plus vraiment. En effet, ils vont être attaqués par des animaux féroces, poursuivis par un étrange individu tout aussi effrayant que dangereux (serait-ce un serial killer ?), vont se retrouver dans un village où leur chef semble être un jeune nazi (tout du moins, il apparaît comme fan du IIIe Reich), etc. Le tout avec beaucoup d’action, quelques scènes de violence et, heureusement, quelques notes d’humour.

Notre groupe de héros, composé d’enfants, est constitué de personnages aussi divers que complémentaires : il y a l’intellectuel quelque peu peureux, l’orphelin débrouillard qui vient d’un foyer, le garçon manqué, la petite fille sage qui adore les animaux, et l’enfant capricieux. Ensemble, ils vont s’entraider et réussir à répondre aux besoins selon les situations. Il existe une cohésion entre ces cinq individus, qui est telle qu’ils ont l’intelligence de reconnaître leurs faiblesses, et chacun des protagonistes parvient à séduire le lecteur. Ce groupe va par ailleurs s’étoffer au fur et à mesure que l’on avance dans l’intrigue, car ils vont rencontrer d’autres personnages, qui ne seront pas tous bienveillants à leur égard.

Je m’attendais à une bande dessinée plutôt édulcorée, puisque destinée à la jeunesse, mais j’ai été étonnée d’y trouver de la violence physique et psychologie – agréablement surprise, car cela apporte un réel plus au récit. Ils ne sont finalement en sécurité nulle part, ne savent pas à qui ils peuvent se fier, et vont même devoir surmonter la mort d’un des leurs. Le scénario est également très bien ficelé et va de rebondissement en rebondissement. Les dessins sont très colorés, ce qui offre un certain souffle de fraîcheur à cet ouvrage. Je pense que s’il avait été dans des tons sépia, par exemple, l’atmosphère aurait été beaucoup plus pesante.

Bien que la fin ne nous dévoile pas le fin mot de l’histoire puisqu’il existe un second cycle (les tomes 6 à 9 sont déjà parus à ce jour), les auteurs nous livrent beaucoup d’éléments pour clore ce cycle et nous expliquer comment les choses en sont arrivées là. Et d’ailleurs, je me suis dit que c’était plutôt original et bien trouvé !


lundi 7 décembre 2015

Le Bleu est une couleur chaude, Julie MAROH




Quatrième de couverture : 

La vie de Clémentine bascule le jour où elle rencontre Emma, une jeune fille aux cheveux bleus, qui lui fait découvrir toutes les facettes du désir. Elle lui permettra d’affronter enfin le regard des autres. Un récit tendre et sensible.

160 pages, Éditions Glénat, octobre 2013



Ce que j’ai pensé de cette lecture : 

Sur son lit de mort, Clémentine, une jeune trentenaire, demande à un dernier service à sa mère : confier ce qu’elle a de plus précieux à Emma, à savoir ses journaux intimes. Emma est le grand amour de Clémentine : elle lui a fait découvrir le bonheur, lui a appris ce que signifiait le verbe aimer, vivre à travers et pour une tierce personne, quand celle-ci devient plus importante que soi-même. Nous allons donc nous plonger en compagnie de cette femme brisée par la perte d’un être cher dans la lecture des journaux de Clémentine. Elle y raconte son adolescence, les troubles que traversent tous les lycéens, sa gêne de ressentir de l’attirance pour une femme sans comprendre ce qui lui arrive, la découverte de son homosexualité, comment elle a fut acceptée par certains et violemment rejeté par d’autres…

J’ai beaucoup aimé cette bande dessinée, qui est magnifique tant dans le fond que dans la forme. Les graphismes m’ont beaucoup plu, parce que je les ai trouvés très expressifs. Alors que les scènes qui se déroulent dans le présent de la narration sont en couleurs, l’histoire de Clémentine est dans les nuances de noir/blanc/gris/marron. Seul le bleu est utilisé pour certains éléments clefs : les cheveux d’Emma (car oui, Emma est une étudiante aux beaux arts un peu marginale qui arbore une coupe de cheveux loin de passer inaperçue), ses yeux, le journal intime de Clémentine… Ainsi, Le Bleu est une couleur chaude, puisqu’il est ici celle de l’amour, des sentiments, de ce qui compte réellement pour Clémentine. Il y a un travail réellement soigné pour faire passer des messages à travers le dessin, et cela parvient sans conteste à toucher le lecteur.

Il y a également un réel travail sur les mots. Nous croyons aux mots écrits, des mots qui provoquent parfois des maux, mais qui sont surtout des mots d’amour. Car Le Bleu est une couleur chaude est avant tout une ode à l’amour, et peu importe qu’il soit homosexuel ou hétérosexuel, ce qui compte réellement est la force des sentiments, ceux qui sont universels. Le livre est construit de telle façon que Clémentine est présente telle une voix off. Ce qu’éprouvent ces deux femmes l’une pour l’autre est extrêmement fort. Ainsi, Clémentine s’adresse à Emma en ces termes : « Tu m’as sauvée d’un monde établi sur des préjugés et des morales absurdes, pour l’aimer à m’accomplir entièrement », « L’amour n’est peut-être pas éternel, mais nous, il nous rend éternels », mais aussi « Par-delà notre mort, l’amour que nous avons éveillé continue d’accomplir son chemin ». Autant vous dire que j’ai refermé ce livre très émue et la larme à l’œil.



vendredi 4 décembre 2015

Vie et mort de Sophie Stark, Anna NORTH




Quatrième de couverture :

« Sophie comprenait beaucoup mieux les gens, et la façon de les manipuler, qu’elle ne le laissait paraître. Au moment même où j’ai ouvert la porte, elle a su qu’elle pouvait faire de moi ce qu’elle voulait. »
Allison vient de quitter sa Virginie natale pour New York. Elle travaille dans un bar et n’a aucune ambition, aucun avenir. Puis elle rencontre Sophie Stark, une jeune réalisatrice décidée à faire d’elle une star. Daniel, ancien champion de basket, se remet d’un terrible accident de voiture. Ses retrouvailles avec Sophie Stark, son amour de jeunesse, lui redonnent le goût de vivre. La carrière de George, producteur hollywoodien, est au point mort. Pour renouer avec le succès, il décide d’appeler Sophie Stark, étoile montante du cinéma indépendant. Artiste passionnée, géniale et insaisissable, Sophie transforme et transcende la vie de ceux qui croisent sa route. Pour le meilleur et pour le pire.


376 pages, Éditions Autrement, août 2015



Ce que j’ai pensé de cette lecture : 

Sophie Stark est une jeune femme assez singulière, qui va se découvrir une passion pour le cinéma, et plus particulièrement pour la réalisation de films. Elle décide donc de mettre tout en œuvre pour créer des courts et longs métrages réussis, quitte à faire souffrir son entourage, dans lequel elle puise directement son inspiration. C’est pourquoi elle n’hésitera pas à mettre en scène la mort de la mère de son mari, à faire des promesses scénaristiques à des actrices pour un rendu finalement très différent, à suivre un garçon qui lui plaisait bien au lycée derrière l’objectif de sa caméra… Sophie est un personnage très étonnant, que l’on peut difficilement cerner. Mais qui est-elle réellement ?

Nous sommes ici en présence d’un roman choral : les narrateurs alternent selon les chapitres. Ainsi, ce sont tour à tour Allison (la première petite amie de Sophie, qui fit d’elle une actrice), Robbie (le frère de Sophie) et Daniel (cet étudiant sur lequel Sophie avait jeté son dévolu pour tourner un film) qui s’expriment. Par ailleurs, il y a des extraits de critiques cinématographiques, dans lesquelles sont évoquées les œuvres de Sophie Stark. Chacun à leur tour, les différents narrateurs vont relater leur rencontre avec cette dernière, les relations qu’ils ont eues, et l’impact qu’elle a eu sur ce qu’ils sont devenus. Mais avant tout, nous allons ainsi découvrir à travers ces éléments la personnalité de cette femme.

Je dois avouer que je n’ai pas vraiment réussi à rentrer dans le récit. Les mots glissaient sur moi sans parvenir à m’émouvoir. Sophie Stark m’a mise mal à l’aise, car justement, elle paraît ne pas ressentir grand-chose pour les gens, et c’est un individu que l’on pourrait tantôt détester pour ce qu’elle fait subir à son entourage, tantôt avoir envie de prendre sous son aile, car un tel comportement ne peut s’expliquer que par un réel mal-être. Néanmoins, elle m’a semblé très froide, je l’ai un peu prise en grippe, et du coup, je n’ai pas réussi à m’immerger pleinement dans ce roman, puisque je ne me suis pas réellement intéressée à cette femme qui fait beaucoup souffrir ceux qui l’aiment. 

L’écriture est très travaillée, puisque chacun des narrateurs a une façon de s’exprimer qui lui est propre. Par moment, j’avais l’impression de lire la biographie d’un individu ayant réellement existé tant Anna North a su donner une identité à chacun de ses personnages. J’ai ainsi eu une petite préférence pour Robbie et Allison. Malgré tout, cela n’a pas suffi à me faire apprécier pleinement ma lecture.